Dans les lieux de l’attente

Dans des lieux de l’attente, en silence et avec discrétion et humilité, des comédiens-clowns suscitent échanges de sourires, de complicité et d’humanité, au sein des patients et du personnel.

S’adressant tant aux adultes qu’aux enfants, les clowns ne cherchent rien à imposer, mais au contraire à s’imprégner, à s’infuser, pour mieux diffuser à leur tour.

Un rapport de solidarité et de confiance s’instaure peu à peu entre les clowns patientant parmi les patients. En sortant du centre médical, usager et personnel emportent avec eux un peu de ce rapport là, de cette sensation de confiance réciproque, qui rend le quotidien un peu plus clément.

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Dans le cadre d’un partenariat avec l’exposition LES CORDES A LINGES à Saint-Ouen, nous avons pu tester dès 2012 une idée qui nous tenait à coeur depuis longtemps : aller plus loin dans notre engagement d’aider les gens à porter un regard différent sur leur quotidien, en intervenant dans les « lieux d’attente » .

Début juillet 2012, 2 de nos clowns ont passé 2 matinées dans les couloirs et salles d’attente du CMS Henri Barbusse à Saint-Ouen. Avec discrétion et humilité, et souvent en silence et sans rien chercher à faire de spécial, les clowns ont pu susciter des échanges de sourires, de complicité et d’humanité toute simple et touchante, à la fois entre les patients et le personnel du centre médical.

Se fondant tels des caméléons à l’esprit du lieu, les clowns n’ont rien cherché à imposer, mais au contraire à s’imprégner de l’ambiance du lieu, jusqu’à se fondre dans le décor.

Sauf que le clown porte sa différence en plein milieu de son visage, et que même lorsqu’il veut se faire discret, les regards qui l’entourent le ramènent malgré lui à sa différence… contre laquelle il ne peut rien, car il est clown…il ne l’a pas choisi…et c’est comme ça…

Ce jour là, patients et membres du personnel ont été interviewés dans le cadre de l’exposition des CORDES A LINGES, et les retours concernant la présence des clowns ont été excellents et encourageants.

Merci à Thibault Saladin
et à l’équipe des Cordes à Linge/Du Coq à l’âne

 

Grâce au financement de la Fondation de France (dispositif « Humanisation des Soins ») et à notre partenaire la Mutualité Française IDF, cette action a pu être menée en 2016 dans 3 centres, avec une douzaine de journées de présence des clowns par centre  :

  • Centre Alice Grosperrin
  • Centre du Moulinet
  • Centre Audiens -René Laborie

Pendant 3 ans, les clowns citoyens sont intervenus régulièrement dans de nombreux « lieux d’attente ».

 

Déroulement d’une journée de « clowns patients » :

Cela commence toujours par un « bonjour » des clowns en entrant dans une salle d’attente, auquel les patients répondent ou non.

Parfois, les clowns vont saluer chaque personne individuellement, de manière plus discrète. Dans tous les cas, l’approche n’est jamais forcée, et toujours respectueuse du degré d’ouverture de chacun à la proposition. Presque à chaque fois, les personnes qui sont fermées au moment du bonjour finissent par s’ouvrir (lever la tête, avoir un échange de regard, voire un sourire, ou plus).

Les clowns partagent leur temps entre les différentes salles d’attente, en favorisant des temps longs (45 mn à 1h au moins par espace), pour avoir le temps de créer du lien avec les patients, ainsi qu’avec le personnel.

Chaque intervention est différente, puisque les clowns se nourrissent toujours de l’existant (les patients, le personnel, les situations, l’ambiance particulière à ce moment là, ce jour là…). Mais tout est toujours fait dans le respect des personnes présentes, de leur intimité, de leur état de santé, et dans le respect des règles de fonctionnement de lieu et de son personnel.

L’intervention des clowns passe parfois par l’oral bien sûr, avec des échanges verbaux, des discussions, lorsque ce sont les patients (ou le personnel) qui en sont à l’initiative. Mais le clown en salle d’attente de centre médical s’attache toujours à ne rien forcer, à avancer en douceur sans provoquer le contact, mais en l’encourageant…acceptant toujours humblement de prendre le risque que cela ne marche pas. Ce qui est arrivé parfois, mais très rarement.

Un exemple d’une approche non verbale : « Dans la salle d’attente, 5 ou 6 personnes ont levé la tête à l’entrée des clowns, la plupart avec le sourire ou un regard interrogateur, mais globalement respectifs. Certains ont répondu au bonjour en serrant la main de clowns. Les 2 clowns cherchent la place où s’asseoir. En silence, ils expérimentent plusieurs places parmi les chaises libres, changeant de point de vue sur la salle d’attente à chaque déplacement.

Un vieil homme qui tient sa canne fermement dans ses mains, reste impassible à tout ce petit va-et-vient. Je décide de m’asseoir à côté de lui. Un temps passe. Puis je sors de mon sac un nez rouge en mousse, que j’approche très très lentement de sa canne, en le regardant, en regardant les gens qui nous regardent, en avançant vraiment à tatons, j’arrive à poser ce nez rouge en mousse sur le bout de sa canne, dont le haut est en forme de T. J’avance très humblement et avec la crainte de voir ma proposition refusée, mais le monsieur semble accepter, tout en restant totalement impassible. Avec la même lenteur et la même prudence, je sors une paire de lunettes rouges de mon sac, puis les pose au dessus du nez, sur le haut de la canne, qui suggère alors un visage de clown. Long moment d’attente à nouveau, durant lequel le monsieur ne bouge toujours pas, ni ne croise mon regard quand je le lève vers lui. Puis je me mets à discuter avec sa canne, à échanger avec ce personnage, à rire, à m’ofusquer, le questionner, le taquiner… C’est alors que l’autre clown, à l’autre bout de la salle, me demande ce qu’il dit ! Je lui réponds qu’il n’a qu’à lui demander lui même. L’autre clown s’approche prudemment de la canne. Et c’est alors que la magie s’opère : le vieux monsieur resté impassible, pivote alors sa canne vers l’autre clown, afin de lui offrir le visage du « personnage-canne » qu’il a donc nous seulement accepté, mais avec lequel il est maintenant en train de jouer. Il a ensuite pivoté sa canne tantôt vers l’un, tantôt vers l’autre clown, tantôt vers l’ensemble des patients, qui toujours en silence, assistaient à un moment poétique collectif » (Extrait du compte-rendu du 6 décembre 2016 au centre R.Laborie, avec les clowns Ping et Bombyx)

 

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